Différences entre versions de « Trace numérique »

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(Ajout Terme corrélé)
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Le substantif ''trace'' a d'abord désigné une suite d'empreintes laissées par le passage d'un animal ou d'un homme (v. 1155), ensuite d'une chose (1690) et chacune de ces marques prises isolément. Par extension, se dit de la marque laissée par ce qui agit sur quelque chose (v. 1250). Par analogie, ''trace'' a, entre autres acceptions, désigné l'impression qui reste de quelque chose (XIV<sup>e</sup>s.), ce qui subsiste du passé (1538), en particulier dans la mémoire (1679) ; de là l'emploi pour "petite quantité" (1847).
 
Le substantif ''trace'' a d'abord désigné une suite d'empreintes laissées par le passage d'un animal ou d'un homme (v. 1155), ensuite d'une chose (1690) et chacune de ces marques prises isolément. Par extension, se dit de la marque laissée par ce qui agit sur quelque chose (v. 1250). Par analogie, ''trace'' a, entre autres acceptions, désigné l'impression qui reste de quelque chose (XIV<sup>e</sup>s.), ce qui subsiste du passé (1538), en particulier dans la mémoire (1679) ; de là l'emploi pour "petite quantité" (1847).
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Version actuelle datée du 5 mai 2022 à 07:54

Liste des termes

E (Élicitation, Embargo...)

L (Ligne éditoriale, Like...)

P (Packaging, Page...)

R (Raccord, Résumé...)

S (Scénario, Scoop...)

T (Tabloïd, Trace...)

V (Veille, Voix off...)


. n.f.

. Angl. Trace, Digital trace

. Cult. numérique, informationnelle


Définition

La trace numérique est un type de donnée informationnelle discrète, laissée et inscrite sur support numérique lors d'une interaction avec un réseau numérique. Elle recèle des informations sur l'expérience numérique des usagers des services numériques et en ligne et, partant, permettent de se renseigner sur leur identité civile, leurs comportements, leurs appartenances et leurs orientations. La collecte et l'enregistrement des traces peut se faire à la connaissance ou à l'insu de la personne concernée. Toute inscription informatisée d'une trace procède de l'intention assumée d'un service ou d'une entreprise privé.es ou publiques et se réalise au moyen de dispositifs techniques construits à cet effet (formulaires, sondages, traceurs ou cookies, compteurs).

Compléments

Le contrat

Produites par des interactions hommes-machines, dans un environnement numérique, les traces sont le fruit d'un contrat plus ou moins tacite, plus ou moins formel, plus ou moins conscient entre une entité qui propose des services présentés comme "gratuits" et la personne qui s'engage à lui livrer certaines de ses données en contrepartie. Cette entité, capable de déposer et de lire un traceur, ou cookie, dans le terminal de l'utilisateur lors d'une consultation par exemple, peut être un éditeur de sites web ou d'applications mobiles, une régie publicitaire ou un réseau social.

La trace indélébile

Une fois enregistrées, il s'avère que les traces persistent sur le web et demeurent disponibles, par exemple via la fouille identitaire (procédé dit de "googlisation"). Elles sont difficilement effaçables, voire irréversibles.

La trace et l'indice

A ce stade, toute trace numérique, considérée isolément, revêt un statut d'indice, à partir de l'empreinte laissée par une action réalisée à un instant T. Pour la plupart non intentionnelles, comme les logs de connexion, les historiques de navigation ou les transactions commerciales, les traces indiciaires ne font qu'indiquer, qu'attester d'une présence ou d'un acte numérique.

L'exploitation des traces

Mais ces traces, aussitôt captées, font l'objet d'une inscription sur un support numérique. Elles rejoignent des bases de données où elles sont agrégées et indexées. Il est dès lors facile de les combiner et de les croiser entre elles, de les corréler et de les calculer en utilisant des algorithmes. Perdant leur caractère automatique et "naturel" de simples empreintes déposées avant que d'être collectées, elles subissent une sorte de traitement documentaire (indexation, description, catégorisation, classification) et se voient attachées une forme, un "tracé", qui leur permettra d'être lues et interprétées. De simples indices, les traces ainsi traitées, et donc "trans-formées", deviennent des données exploitables chargées de sens et de valeur, accédant au statut de marchandises pouvant être monétisées. Elles entrent alors dans des logiques de gestion à finalité économique ou politique. Les opérations dont elles font l'objet (organisation, structuration, conservation, modification, rapprochement, mise à disposition...) iront alimenter différents projets comme, par exemple, améliorer un service ou en créer un nouveau, établir des profils, proposer des recommandations, affiner des réponses personnalisées, dégager des tendances, construire des modélisations, faire des prévisions ou aider au choix.

L'identité numérique

L'ensemble des traces publiques, privées ou intimes laissées par une personne sur les réseaux numériques, de manière volontaire ou non, une fois indexées et traitées pour pouvoir être retrouvées, interprétées et exploitées, constituent son identité numérique.

L'homme documenté

Au travers de ses actes numériques, la personne se trouve aujourd'hui systématiquement indexée et peut être assimilée à un banal objet documentaire. Elle devient un "document-trace", une fiche documentée, un profil utilisable. Son identité numérique, toujours actualisée, est difficilement maîtrisable et ne lui appartient pas. Elle représente en revanche un gisement de ressources inépuisable pour les firmes qui l'exploitent.

Faire face aux traces

La prise de conscience de l'exploitation subreptice des traces personnelles par des entités qui en tirent profit où empiètent sur la vie privée engage chacun.e à accroître en tout premier lieu sa capacité de réflexivité et de distanciation sur ses propres usages et, en second lieu, à déployer des stratégies de contrôle. Ces stratégies peuvent être de trois types : la protection dans une logique de sécurité, l'exposition de soi dans une logique libérale ou bien le dépassement de ces postures par une responsabilisation encadrée des usages. La première, partant d'un sentiment de dépossession, consiste à exercer une méfiance généralisée devant le danger que représente l'exploitation des traces en matière d'intégrité de la personne et de protection de la vie privée. Est alors dénoncée l'opacité des dispositifs et des intérêts qui cherchent à contrôler les comportements et à s'en prémunir par la technique (outils de mesure de la traçabilité), l'éducation ou la législation. La deuxième stratégie relève à l'opposé d'une volonté de reprendre la main sur la gestion des traces en se réappropriant tant que faire se peut les conditions de leur production. Il s'agit ici de maîtriser sa réputation en ligne (e-reputation) en gérant son identité numérique à l'instar d'une marque à promouvoir (marketing personnel ou self branding), quitte à devoir intégrer les normes du jeu libéral, comme la compétition et la concurrence. La troisième stratégie, enfin, consisterait à se doter collectivement d'un outil contractuel, les Identity commons, non législatif mais juridiquement opposable, pour réglementer les usages sur le modèle des licences Creative commons. Un tel cadre permettrait à l'usager, non pas d'interdire la circulation et le traitement de ses traces, mais d'en définir les conditions en les spécifiant lui-même.

Typologie

En France, le concept de trace numérique a commencé à intéresser les chercheur.es en SIC et les consultants en communication à partir des années 2000. Différentes typologies ont été proposées pour tenter de classer et de se représenter ces objets, particulièrement sous l'angle de l'individu et de son identité numérique.

Fred Cavazza et les 12 "facettes"

En octobre 2006, le consultant en marketing et usages de l'internet pour les entreprises, Fred Cavazza, publie sur son blog une tentative de vulgarisation du concept d'identité numérique. Il présente celle-ci comme étant composée de données formelles (coordonnées, certificats, etc.) et informelles (commentaires, photos, etc.), autant de "bribes d'information" qu'il classe en 12 "facettes" en les associant par ailleurs à des plateformes typiques du web :

  • l'expression, la profession, la consommation, la réputation, la publication, l'audience, les hobbies, les avis, les connaissances, les coordonnées, les certificats et les avatars.

Ce premier essai de typologie, proche d'une cartographie, sera énormément repris par la suite, aussi bien dans le monde éducatif que dans celui de la communication d'entreprise.

Bruno Devauchelle et la carte mentale de l'identité numérique

En mai 2008, le chercheur et consultant Bruno Devauchelle publie sur son blog une carte (cmaptools) de l'identité numérique offrant une typologie plus structurée que celle de Cavazza. Les différents types de traces s'y déclinent à partir de deux catégories principales :

  • Les traces générées de manière active : d'une part celles relatives à la qualité d'auteur d'un site ou d'un blog lorsqu'il publie ses productions textuelles ou audio-visuelles, d'autre part, celles consécutives à ses participations sur le web (contributions à des forums ou à des blogs, réactions à des contributions, utilisations de sites de e-commerce, de formation ou de mutualisation).
  • Les traces générées de manière passive : soit par d'autres utilisateurs à partir de citations, de liens, de propos ou de commentaires nous concernant, soit de manière automatique sur notre ordinateur (cookies, historique, signets) ou par nos interactions sur le web (connexions, requêtes, navigations, consultations, sondage) ou encore avec d'autres dispositifs numériques hors-ligne (carte bancaire, téléphone mobile, puces RFID, carte de fidélité, etc.).
Fanny Georges et l'emprise représentationnelle

Toujours en 2008, la chercheuse en SIC Fanny Georges propose une partition plus complexe des types de traces de soi et leur exploitation dans les nouvelles configurations sociales du web 2.0 (réseaux sociaux, sites de rencontres, jeux en ligne multijoueurs, etc.) selon trois dimensions de l'identité numérique :

  • L'identité déclarative, renseignée directement par l'utilisateur, découle d'une description de soi à partir de traces plus ou moins importantes (du simple pseudonyme au formulaire de profil) et plus ou moins conformes à la réalité (biographie réelle ou fictionnelle). Ces traces ont pour effet de singulariser la personne et de permettre de la différencier. Elles constituent le centre de l'identité, autour duquel s'agrègent l'identité agissante et l'identité calculée.
  • L'identité agissante, au contraire, est à l'initiative du système, lequel qualifie et rend visibles les traces des activités sociales ou personnelles de l'utilisateur en ligne afin de consolider et d'encourager des liens entre les personnes. Le mini-historique de Facebook, par exemple, compile des actions comme "X a mis à jour son profil" ou "X et Y sont désormais amis".
  • L'identité calculée reste également à l'initiative du système, lequel trace et quantifie la présence de l'utilisateur (in-disponibilité, en ligne, etc.) son activité (nombre d'amis, score, classement, etc.) et sa notoriété (nombre de visites, de like, d'amis, etc.) dans le but de stimuler des dynamiques communautaires et d'inciter chacun.e à se mesurer aux autres (classement, comparaison), à se manifester sans cesse pour continuer d'exister et de prolonger le temps de sa connexion.
Valentine Favel-Kapoian, Dora Dussurgey et la triade didactisée

Respectivement chercheuse formatrice et professeure documentaliste, Valentine Favel-Kapoian et Dora Dussurgey ont publié en 2010 le dossier pédagogique "Identité numérique, quels enjeux pour l'école ?" sur le site SavoirsCDI (Canopé). Ce dossier est très souvent cité dans les sphères institutionnelle et professionnelle de l'Éducation nationale. Les professeur.es documentalistes, en particulier, l'ont beaucoup utilisée et ont didactisé la typologie proposée des traces numériques à partir de la triade suivante :

  • Traces volontaires : ce que nous publions et disons de nous.
  • Traces involontaires : ce que les systèmes informatiques retiennent de nous.
  • Traces héritées : ce que les autres disent ou diffusent de nous sans que nous soyons au courant.

Si cette triade présente un intérêt pour sa simplicité, on pourrait objecter que les traces héritées, puisque indépendantes de notre volonté, ne sauraient former un type particulier mais plutôt constituer un sous-type de "Traces involontaires". C'est d'ailleurs ce que propose Bruno Devauchelle (2008) en incluant les traces héritées (ou subies) dans la catégorie des "traces générées de manière passive".

Hervé Le Crosnier et le point de vue des régies publicitaires

En 2010, Hervé Le Crosnier, chercheur en SIC, propose de considérer les traces du point de vue des régies publicitaires. Il observe ainsi deux familles de traces :

  • Les données qualifiantes et anonymes qui, déduites des pratiques, établissent des catégories générales sur les comportements des usagers. Par exemple, le fait que les sites sportifs sont davantage consultés par les hommes que par les femmes.
  • Les données identifiantes qui permettent de tracer le profil particulier d'une personne (nom, adresse, CSP, achats antérieurs, données bancaires, etc.).
Louise Merzeau : "nous ne pouvons pas ne pas laisser de traces"

La chercheuse en SIC et médiologue Louise Merzeau s'est notamment intéressée à la présence numérique et à la problématique de la mémoire en régime numérique. En 2013, elle a proposé un classement des types de traces en fonction de leur degré d'intentionnalité :

  • Traces déclaratives : elles relèvent d'une production discursive assumée par l'utilisateur du réseau qui se raconte et rend publique des données, des expériences et des opinions le concernant, que ce soit sur des blogs ou des sites personnels, dans des articles ou des œuvres publiées, via des profils, des CV ou des statuts rédigés dans des réseaux sociaux publics ou professionnels, des conversations, des commentaires, des messages laissés dans des forums ou d'autres plateformes sociales, des photos et des vidéos mises en ligne, des déclarations renseignant l'état civil dans des formulaires, etc.
  • Traces comportementales : elles procèdent encore de l'intentionnalité, mais avec une moindre conscience des conséquences. Il s'agira par exemple des requêtes formulées dans les moteurs de recherche, des navigations sur le web, des transactions commerciales et des données de géolocalisation.
  • Identité calculée : en référence à la catégorie proposée par Fanny Georges (2008 ; 2009), Louise Merzeau précise que cette famille de traces échappe totalement à l'intention et à la conscience de l'usager puisqu'elle est le résultat d'un calcul produit par le système, hors de notre contrôle. Des scores s'établissent à partir de la quantification et de la qualification des actions qui ont été enregistrées lors des interactions : nombre de like, d'amis ou de followers, de commentaires et de retweets envoyés ou reçus, etc. Ils constituent des indicateurs d'un capital relationnel de l'usager ou de son degré d'influence et servent à établir des profils fonctionnels et monétisables.

Législation

L'utilisation des traceurs par mes acteurs économiques du web à des fins de captation et d'exploitation des traces est aujourd'hui soumise à une réglementation européenne et nationale. Cela concerne les régies publicitaires, les éditeurs de sites web et d'applications mobiles ainsi que les réseaux sociaux.

Afin de renforcer l'articulation de la loi "Informatique et libertés" avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et d'expliciter le droit, la CNIL a adopté le 17 septembre 2020 des lignes directrices, complétées par une recommandation visant notamment à proposer des exemples de modalités pratiques de recueil du consentement.

La réglementation en vigueur stipule notamment que tout internaute se proposant de visiter un site ou d'utiliser une application doit pouvoir donner librement son consentement préalablement au dépôt et à la lecture de certains traceurs. Ce consentement doit être informé et facilement accordé ou refusé. IL est remarqué que l'acceptation des conditions générales d'utilisation (CGU) des sites ne représente en aucun cas une modalité valable de recueil du consentement.

Les principaux textes de références sont :

Étymologie

Le verbe tracer est issu du lat. populaire °tractiare, dérivé du classique trahere "tirer, traîner", et qui a dû signifier "suivre à la trace" ou "faire une trace", premiers sens attribués en français.

Le substantif trace a d'abord désigné une suite d'empreintes laissées par le passage d'un animal ou d'un homme (v. 1155), ensuite d'une chose (1690) et chacune de ces marques prises isolément. Par extension, se dit de la marque laissée par ce qui agit sur quelque chose (v. 1250). Par analogie, trace a, entre autres acceptions, désigné l'impression qui reste de quelque chose (XIVes.), ce qui subsiste du passé (1538), en particulier dans la mémoire (1679) ; de là l'emploi pour "petite quantité" (1847).


Liens

Termes corrélés

Algorithme ; Cookie ; Documentarisation de l'individu ; Donnée personnelle ; Élicitation ; Identité numérique ; Identity commons ; Marketing personnel ; Profil ; Traçage ; Réputation en ligne ; Surveillance ;

Lien Wikinotions

Trace numérique.


Bibliographie