Embargo

De lexSIC

. n.f.

. Angl. News embargo ; Press embargo : Embargo release ; Release

. Cult. Médiatique

. Domaine : Journalisme


Définition générale

En journalisme, un embargo sur l’information se produit lorsque un média d’actualité s’engage, à la demande d’une source, à retenir la publication d’une information pendant un temps déterminé et ce, en raison d’impératifs majeurs.

L’information est donc transmise en avance à la presse, qui dispose ainsi d’un délai pour se préparer, jusqu’à l’officialisation de l’information par la source, par voie de communiqué, de discours ou de publication.

Quand le jour, voire l’heure, arrive, l’embargo prend fin (release) et l’information est aussitôt publiée par le ou les média(s).

Domaines d’application

Les embargos médiatiques sont généralement demandés par les services de communication (relations presse) des grandes entreprises, des institutions publiques, des organisations et des associations.

Tous les secteurs sont concernés, que ce soit l’économie (finance, bourse), la politique (annonce d’un programme, d’un événement, d’un communiqué), la science (revues scientifiques, médicales, parution d’un rapport), la justice (affaires en cours), la publicité (sortie d’un produit, annonce d’une marque), ou la culture (parution d’un livre, sortie d’un film, d’un CD). En fait, toutes les rubriques d’un média d’actualités sont concernées. La pratique de l’embargo est courante dans le journalisme.

Raisons d’un embargo

Il existe de multiples raisons pour qu’une information soit mise sous embargo. Elles diffèrent toutefois selon le point de vue des parties prenantes.

Du point de vue de la source

La source qui demande à ce que l’information qu’elle livre soit mise sous embargo le fait généralement pour maîtriser sa communication et obtenir une meilleure efficacité :

  • en contrôlant le calendrier médiatique ;
  • en sélectionnant les médias et en les accordant selon leur périodicité ;
  • en se donnant du temps pour d’éventuelles modifications, certains points n’étant pas encore finalisés (rapports, décisions, discours encore en cours d’écriture) ;
  • en permettant à ses relais internes (cadres pour une entreprise, médecins pour un laboratoire, responsables pour un service public) de s’approprier les données afin de pouvoir mieux répondre aux futures sollicitations des journalistes lors de l’officialisation.
Du point de vue des médias d’actualité

Les médias, lorsqu’ils acceptent l’embargo sur une information, le font pour :

  • . l’égalité entre les médias : il s’agit de prendre en compte les rythmes de parution particuliers à chaque type de média (TV, radio, presse papier, pure players et autres éditions en ligne). S’agissant de la presse papier par exemple, il est alors possible d’accorder quotidiens, hebdomadaires et mensuels dont les temps de bouclage sont plus ou moins longs ;
  • la qualité de l’information : le délai accordé permet aux journalistes d’approfondir leur connaissance du sujet, de compléter ou de vérifier l’information, de monter un dossier, de prendre des contacts, de préparer des interviews. La sortie d’un film ou la parution d’un roman, d’un rapport demande un temps de lecture et d’appropriation pour en faire, le moment donné, un commentaire ou une critique. L’embargo sur l’annonce d’un discours politique permet au journaliste de préparer ses questions et de construire une analyse. La couverture de l’événement sera ainsi de meilleure qualité, ce qui est plus compliqué lorsqu’une information doit être traitée à chaud ;
  • la réputation : dans le cas d’une relation privilégiée avec une source, la connaissance anticipée d’une information permet au média bénéficiaire de prendre un avantage qualitatif sur la concurrence.
Du point de vue de l’éthique

L’embargo peut être soumis à certaines obligations, notamment dans le domaine de la justice où il est demandé de ne pas entraver le cours (instruction judiciaire, enquête policière). De manière générale, il s’agit de protéger les personnes, leur sécurité et le respect qui leur est dû.

Limites de l’embargo

La pratique de l’embargo trouve ses limites lorsqu’elle entre en conflit avec la pression médiatique ou bien lorsqu’elle est instrumentalisée par la source.

La pression médiatique

Du côté des médias d’actualité, la pression concurrentielle est telle qu’il s’avère de plus en plus difficile de « geler » l’information, même dans un délai très bref. Dans le contexte de la globalisation de l’information en effet, les lois de l’immédiateté (réactivité) et de la substituabilité (la même information peut être retrouvée dans tous les médias) font craindre un ratage à toutes les rédactions trop scrupuleuses. A l’heure des agrégateurs automatiques, des réseaux sociaux numériques et des blogs, il est difficile de pouvoir garantir la primeur d’une information, tandis que la prime est donnée aux médias les plus prompts à exploiter la moindre fuite et à en faire un scoop.

Par ailleurs, il apparaît que le délai accordé par l’embargo ne soit que rarement mis à profit par les rédactions, de plus en plus réduites, pour préparer et accompagner la publication officielle de l’information. Le bénéfice attendu par les médias n’est, dans les faits, pas souvent atteint, ce qui réduit significativement l’intérêt de cette pratique.

L’intégrité des sources

Certaines sources, de leur côté, réduisent également sa portée et sa pertinence en cherchant à instrumentaliser l’embargo au profit de leur stratégie de communication. Celui-ci devient alors un outil marketing pour créer un buzz autour de la sortie d’un produit ou d’une annonce. La volonté, souvent affichée, de maîtriser l’agenda médiatique peut se heurter à la déontologie des journalistes garant·es de la libre circulation de l’information.

Les conditions de l’embargo

La mise en place d’un embargo sur l’information engage deux parties, les sources et les médias. Pour se réaliser, il doit remplir certaines conditions (Grévisse, 2010, AJP 2008 a, b) :

  • il doit rester l’exception ;
  • il doit être le plus court possible ;
  • il doit décrire l’information à retenir de la manière la plus précise possible ;
  • il doit être motivé par des raisons légitimes d’intérêt public, non dictées par une stratégie commerciale ;
  • il doit concerner équitablement tous les médias ;
  • il ne doit pas entraver la circulation de l’information.

Cadre éthique

La pratique de l’embargo, initiée unilatéralement par la source communicante, ne repose que sur un contrat de confiance et interpelle l’éthique journalistique.

Un « contrat » de confiance

La tenue de l’embargo ne tient qu’au respect des « règles du jeu » suivies par les deux partenaires. En effet, nul texte de loi ne légifère cette pratique ni ne sanctionne les « casseurs d’embargo ». A la suite de litiges entre les deux acteurs, des préconisations ont cependant été rédigées dans certains pays, comme la Belgique, pour renforcer le cadre déontologique des journalistes. Pour le reste, il n’est souvent question que de bâtir une relation de confiance réciproque pour le bénéfice de tous, et de respecter des engagements, même tacites. Le principe de loyauté est quelque fois évoqué.

Un engagement

Deux situations peuvent apparaître. Soit la source décrète unilatéralement un embargo, soit elle sollicite préventivement l’accord des journalistes.

Dans le premier cas, la conduite des journalistes dépendra de la légitimité de la demande et de l’existence des conditions minimales d’un embargo (voir supra). Il est des situations d’intérêt public où la rétention d’information exigée sera observée à la lettre.

Dans le cas où l’accord est souhaité par la source, une demande en bonne et due forme suivie d’une négociation peuvent avoir lieu et aboutir à une entente explicite. Dès lors, une rédaction qui s’est formellement engagée est tenue de respecter sa parole. Cela signifie en retour que seuls les embargos pour lesquels elle s’est engagée devront être observés.

Une sorte de contrat peut même être établi de manière formelle, par un écrit engageant la rédaction à ne pas publier l’information avant le délai demandé. Il s’agit alors, dans l’avis de publication adressé par la source à la rédaction, de mentionner explicitement la demande d’embargo et ses conditions. Les mentions « Pour diffusion immédiate » ou « Sous embargo jusqu’à tel jour, telle heure » sont disposées en tête de l’avis.

Rupture de l’embargo

Il peut arriver qu’un média soit accusé de « rompre », de « casser », de « briser », de « brûler » un embargo lorsqu’il publie l’information avant le délai prescrit par l’une de ses sources. La clause de confiance est alors mise à mal, la rupture d’embargo ayant automatiquement pour conséquence la rupture de la confiance liant le communicant à l’organe de presse. La sanction se traduira de différentes manières. En premier lieu, la méfiance de la source qui se passera dorénavant de fournir des informations à un média non fiable. Ensuite la perte possible de la réputation acquise auprès des confrères.

Les causes de la rupture d’un embargo peuvent cependant avoir différentes raisons, dont certaines sont légitimes ou fondées sur une appréciation, et d’autres jugées déloyales.

  • cas légitimes : certaines clauses reconnues par la profession permettent légitimement de rompre un embargo. C’est le cas lorsque
    • l’information est publiée par un concurrent qui a rompu l’embargo ;
    • l’information est publiée par des concurrents qui ne sont pas soumis à l’embargo ;
    • l’information soumise à embargo par une source est obtenue sans contrainte auprès d’une autre ;
    • l’information provient d’une fuite, d’une erreur ou d’un accident ;
  • cas fondés sur une appréciation : la rédaction juge que l’embargo n’est pas justifié, au motif qu’il suit des intérêts particuliers, qu’il est abusif, qu’il empêche la libre circulation de l’information, qu’il nuit à l’intérêt public, etc. ;
  • cas déloyaux : pour devancer la concurrence en réalisant un scoop (breaking news), une rédaction décide de brûler un embargo. Un embargo n’étant pas une exclusivité, l’information a également été donnée à d’autres médias. Il serait dommage de leur laisser la primeur d’un scoop, même s’il s’avère déloyal envers la source !

Typologie

Il est possible de distinguer trois sortes d’embargo :

  • l’embargo légal : il est imposé pour des raisons d’intérêt public et concerne le monde financier (risque de délit d’initié·e, prise en compte des fuseaux horaires), le domaine de la justice (cours de la justice, enquêtes policières), etc. ;
  • l’embargo d’annonces : il encadre le lancement de produits et de services, les parutions de rapports et d’enquêtes, la communication interne des entreprises, les communiqués et concerne la politique, la culture, l’économie, etc. ;
  • l’embargo « coup de com », dit aussi de « commodité » ou de « marketing », qui trahit la volonté du service de communication d’une entreprise d’instrumentaliser l’agenda médiatique à des fins commerciales.

Étymologie

Le terme embargo est repris à l’identique (1626) de l’espagnol embargo, attesté depuis 1020, au sens d’« empêchement, obstacle ». Il est la forme substantivée du verbe embargar « embarrasser, empêcher », issu du latin populaire °imbarricare. Ce dernier est dérivé du terme °barra, d’origine préromane, doublet probable du latin °vara, « traverse de bois ».

Dans le français contemporain, °barra a évolué pour donner barre, barrette, barreur, barrière, barreau, barrage, barrer (fermer avec une barre), mais également les formes embarras, embarrasser, débarras, débarrasser, rembarrer. L’idée exprimée est de « gêner (un passage) par un obstacle » (fin XVIe s.) Embargo, quant à lui, est d’abord attesté dans lever l’embargo (1626) avec le sens de « mesure destinée à empêcher la libre circulation de marchandises ».

Cette idée s’applique parfaitement à l’expression d’embargo médiatique qui nous occupe ici dans la mesure où l’information d’actualité s’avère être une marchandise comme les autres, dont la valeur provient de la nouveauté et de la primeur. Ce qui « barre » cette libre circulation est la demande formulée par les sources, sous la forme d’un empêchement de diffusion dans un délai qui est précisé.


Liens

Termes corrélés

Exclusivité - Information journalistique ; Journaliste ; Off the record ; Ratage ; Relations presse ; Source journalistique ;


Bibliographie

Définition

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